Colloque "Diversité" du Syntec Conseil en Recrutement
Salle comble pour le Syntec Conseil en Recrutement, qui réunissait le 22 juin 2006, tout le gratin du recrutement français pour son annonce : les cabinets de recrutement sont les mieux placés pour mener la bataille contre les discriminations et en faveur de la diversité.
Reportage de Corinne Zerbib.
Emile Zola, Nina Simone, André Malraux... la liste des sommités qui ont dû surmonter leurs différences sonne comme un couperet. Une évidence qui glace l'assistance de plusieurs centaines de personnes. Visiblement émue, Catherine de Verdière, administrateur de Syntec Conseil en recrutement et présidente de la commission en charge de la lutte contre la discrimination et pour la diversité, créée en septembre 2005, ne mâche pas ses mots lors de son discours de présentation des actions menées par le Syntec Recrutement. Au passage, elle note avec un sourire : "notre enquête a été pilotée par Khaleda Zeghli, et savez-vous qu'il est très difficile de se faire recruter lorsqu'on porte un nom qui commence par Z !".
L'enquête, menée par des étudiants de plusieurs grandes écoles (HEC, Sciences Po...) auprès des services recrutement des entreprises, trace les contours de la discrimination en France : inconsciente, non-maîtrisée, fondée sur les stéréotypes et donc sur de "bonnes raisons".
"Nous pensons pouvoir être le lieu, le trait d'union entre l'enjeu sociétal et la performance de l'entreprise", dit encore Catherine de Verdière. Et en effet, les cabinets de recrutement sont particulièrement bien placés : "Nous recrutons essentiellement les cadres des entreprises. Or, ce sont eux qui managent et surtout recrutent le personnel. Plus ces cadres seront représentatifs de la diversité, plus l'entreprise luttera efficacement contre les discriminations", confirme Hubert L'Hoste, administrateur du Syntec Recrutement.
Les solutions ?
Elles sont, elles aussi, diverses : au coeur de la question, le processus de recrutement. "Nous devons revoir tous nos processus. Agir sur les représentations mentales, surmonter les freins, mais aussi combattre les risques d'auto-censure des minorités qui n'osent même plus postuler ..." Un processus fondé sur un cahier des charges axé sur les compétences, un collège de recruteurs qui vérifient la qualité du processus global... Un vaste chantier donc. Qui s'appuiera notamment sur une nouveauté qui risque fort de bouleverser le marché de l'emploi et de ses intermédiaires : le CV Universel qui "a vocation de rétablir l'égalité des chances et ainsi agir sur la fluidité du marché de l'emploi", poursuit Catherine de Verdière.
Morceaux choisis des interventions lors du Colloque du 22 juin :
Louis Schweitzer, président de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) :
"Compétitivité, égalité des chances, intégration... C'est l'entreprise qui est au coeur du sujet. Il ne suffit pas que le chômage global diminue. (...) Il n'existe pas de remède miracle. Le CV anonyme ne convient pas à tous, il faut aller plus loin. Pour améliorer le processus de recrutement, il faut en élargir les sources. Ce qui passe non seulement par internet, mais aussi par les professionnels du recrutement dont c'est le métier d'aller chercher les candidatures. "
Françoise Dissaux-Doutriaux, membre de la Commission en charge du projet d'Etude sur la lutte contre les Discriminations de Syntec Conseil en Recrutement :
"Nous sommes obligés de vivre avec les stéréotypes et les préjugés. Or, c'est nous, les cabinets de recrutement, qui faisons le "tri" inconscient. Il nous faut donc d'abord faire le ménage chez nous. Si nous continuons à nous cloner, nous en crèverons. Les DRH nous ont demandé de les aider à anticiper les problèmes démographiques en ouvrant les recrutements à la diversité. Il va donc falloir être courageux : on ne coupera pas à intervenir dans l'intégration".
Eugène Moré, gérant de MConseil :
"L'auto-censure des personnes discriminées joue un rôle très important. Ainsi que les problèmes culturels : les enfants de l'immigration ne connaissent pas la fonction publique puisque leurs parents n'y ont pas eu accès. (...) Lorsqu'on habite à Sarcelles, on n'a pas le goût du risque. Pire : dès qu'il y a risque, il y a mort ! Ces personnes n'ont donc aucun accès à des postes nécessitant un tempérament de challenger. (...) Nous organisons des rencontres entre les chefs d'entreprise et les candidats discriminés dans les banlieues, pour que chacun découvre l'autre. Les patrons y ont découvert ce qu'ils appellent des "pépites".
Carole da Silva, fondatrice et présidente de l'Afip :
"Il est beaucoup plus difficile de trouver un emploi lorsqu'on est une femme, de couleur et surtout très diplômée. (...) Une personne de couleur peut aussi habiter dans le 8ème arrondissement sans avoir été adoptée. (...) Quand la personne réalise qu'elle est victime de discriminations, elle perd tout son captial confiance, remet en cause son identité. Deux réactions s'ensuivent : soit elle se bat, soit elle se replie totalement sur elle-même. (...) Les entreprises qui travaillent sur la diversité nous proposent souvent les offres qu'ils n'arrivent pas à pourvoir par ailleurs.
Antoinette Prost, Etudes, développement durable, Direction des Ressources Humaines Axa France :
"La diversité est un atout et une nécessité démographique. Si on exclut les femmes, les seniors, les minorités ethniques ... du recrutement, il ne restera plus grand monde. La fin d'une espèce, c'est la consanguinité. Le protrait robot du Français est en train de disparaître.
Christine Bargain, La Poste :
"A La Poste, il n'y a aucun cadre noir. 10% des cadres sont des femmes, alors qu'elles représentent 56% des effectifs. Or l'arrivée des femmes parmi les facteurs a permis de faire évoluer les conditions physiques pour l'ensemble des facteurs - vélos adaptés, chariots... ce qui permet aussi à tous les hommes d'accéder au poste.
Jacques Gosselin, président de Fides :
"Les seniors qui viennent nous voir arrivent souvent de l'Apec qui les renvoie vers nous. (...) Nous agissons en tant que société de service. Nous avons embauché plus de 50 personnes en CDI et nous les aidons à trouver des missions.
Jean-Luc Petit-Hughenin, président de Paprec S.A.
"L'engagement du patron pour la diversité est déterminant pour décomplexer les cadres dans leurs choix de recrutement. Notre DRH, qui a 61 ans, n'a aucun état d'âme à choisir un senior. Il sait que je ne vais pas l'engueuler si ça ne fonctionne pas !"
A lire sur le même sujet : Le CV universel contre les discriminations.
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