Le réseautage sur Internet s’est répandu comme traînée de poudre. Comme
dans la vraie vie, il permet de rester en prise avec son marché, voire de se
faire chasser. A condition de respecter les règles du jeu.
« Mon profil a déjà été consulté par trois cabinets de recrutement dont un avec lequel je suis en discussion. Mais je me sers aussi du réseau pour trouver de nouveaux fournisseurs et clients ». Responsable de haut niveau dans une entreprise internationale – Compass Group France – Guillaume Leplat est serein : il ne cherche pas particulièrement un job, il se met simplement à l’écoute du marché. Il a fait ses premiers pas sur Viaduc il y a un mois à peine, grâce à l’invitation d’un ami. Résultat : treize contacts directs, plus de 18 000 membres potentiels et déjà quelques affaires en cours...
Surfer sur les réseaux Internet pour trouver un job et faire des affaires ?
L’histoire en a fait sourire plus d’un. Et pourtant, il faut bien se
rendre à l’évidence : le modèle des réseaux humains, transposé sur Internet,
fonctionne à fond. Témoin de ce succès, en peu de temps – deux ou trois ans
tout au plus – les réseaux sociaux sur Internet ont drainé une foule de
membres. Impossible de connaître précisément leur nombre. Mais une chose est
sûre, ils se comptent en France au moins par dizaines, voire par centaines de
milliers. Pour commencer, les pionniers français se sont inscrits sur les premiers
sites, venus de l’étranger. LinkedIn, grand précurseur américain, compte
plusieurs millions de membres dans le monde, OpenBC d’origine allemande affiche
un million de contacts européens. Et les sites français ont emboîté le pas à ce
mouvement mondial : Viaduc en France clame quelques 350 000 membres, relayé par
6nergies avec 9 000 membres en un peu plus d’un an, ou encore Piwie et ses 5
000 inscrits… La guerre des chiffres fait rage entre les patrons de ces sites
qui s’affrontent parfois avec une hargne surprenante. L’enjeu ? Emporter coûte
que coûte le leadership sur ce nouveau marché particulièrement prometteur.
Quelque soient les véritables chiffres des uns et des autres, la croissance
exponentielle des réseaux depuis quelques mois ne fait aucun doute.
Mais qui sont ces foules qui rallient massivement le mouvement du réseautage ?
En très grande majorité, des cadres, cadres supérieurs et
dirigeants d’entreprises. Près de la moitié d’entre eux, selon Dan Serfaty,
co-fondateur de Viaduc, sont des passionnés, voire des accros du networking.
Ces « power users », bien souvent en poste, viennent améliorer leur notoriété
professionnelle avec une obsession constante : à qui affichera le plus grand
nombre de contacts dans sa sphère d’influence ! « J’ai déjà 700 contacts de
niveau 2 ! » Erwan Donval se dit satisfait de l’importance de son réseau
constitué en quelques mois. Au départ, ce spécialiste de la publicité et du
marketing, s’est investi sur les réseaux alors qu’il était en poste.« Pour
garder des contacts dans le milieu professionnel et ainsi gérer mon plan de
carrière », explique-t-il. Grand bien lui en a pris, car, depuis septembre
dernier, Erwan se retrouve sans emploi. « Je me suis donc appuyé sur ce
réseau pour l’étendre et me faire connaître ». Résultat ? Deux entretiens
et environ 25 pistes concrètes dénichées en trois mois. Le tout pour un
investissement moyen d’une petite heure par jour. Et Erwan garde un franc
optimisme : ses pistes sont sérieuses.
A chaque site sa couleur, son originalité et son mode de fonctionnement. Mais leur objectif est bien le même : permettre à chaque individu de se constituer une chaîne de relations sociales – à dominante professionnelle, certes, mais avec un zeste de dimension personnelle qui rend justement ces relations globalement solides et durables, pour peu qu’on sache les entretenir à bon escient.
Les réseaux permettent-ils de trouver un job ?
Pas systématiquement bien sûr, et surtout, ce n’est pas l’eur objectif premier.
Mais sans aucun doute, ils améliorent la visibilité de la personne auprès de
ses pairs.
Alors, si le réseautage n’ouvre pas systématiquement la porte à un job,
il constitue un fondement incontournable de la recherche d’emploi. Ainsi, André
Dan conseille actuellement plusieurs anciens dirigeants de sociétés
technololgiques brutalement boutés hors de leur job. « Ils ont reçu une
énorme baffe ! » Et se trouvent bien penauds de n’avoir pas entretenu leur
réseau ces dernières années. Tout un travail de fourmi à refaire … Un travail
jugé incontournable, en particulier parce que « Le réseautage est un
médicament à long terme contre le découragement des chercheurs d’emploi »,
dit André Dan.
Les réseaux sociaux constituent en fait le meilleur moyen de rester branché sur son marché, tout au long de sa carrière.
Ils permettent notamment
d’inverser les rôles pesants de la recherche d’emploi : ce sont souvent les
recruteurs qui démarchent ou contactent les membres des réseaux. Car ces
derniers constituent le terrain de chasse privilégié d’un nombre croissant de recruteurs.
« J’utilise essentiellement LinkedIn pour recruter », indique ainsi
Mathieu Nouzareth, co-fondateur de Boonty, une plateforme Internet de
téléchargement de jeux vidéos. En un peu plus de six mois, la petite entreprise
d’une centaine de personnes a récruté sept nouveaux salariés, dont son
directeur technique. « Sur le réseau, l’effet club joue à fond. Je publie
des annonces sur le site, mais je sollicite aussi mes contacts, qui sont ravis
de pouvoir m’aider », raconte encore Mathieu Nouzareth. Quant au choix de
LinkedIn, il ne fait pas l’ombre d’un doute pour cette entreprise implantée
dans de nombreux pays et notamment aux US.
D’ailleurs l’histoire de Jacques répond en écho : le jour même où il
s’est inscrit sur LinkedIn, cet ingénieur informatique français installé à San
Francisco, se fait chasser. Et quelques jours après, il est recruté … par
LinkedIn. Un conte de fées ?
L’histoire ne surprend en tout cas pas les recruteurs, de plus en plus nombreux à figurer sur les réseaux, en embuscade.
« J’utilise les réseaux
pour dénicher les compétences très pointues ». Christophe Charavay, le
gérant d’Exilio, est un expert du recrutement hors sentiers battus. Cooptation,
entourage personnel, réseaux de connaissances … il pratique depuis bien
longtemps les voies parallèles de la chasse. L’intérêt des réseaux sur Internet
? « C’est une excellente manière de découvrir et connaître les gens qui sont
à l’écoute du marché ». Le tout en parfaite discrétion. Il surveille
plusieurs réseaux, y détecte discrètement les compétences qu’il cherche, ce qui
ne l’empêche pas de se rendre aux soirées organisées par 6nergies. Et avant de
se lancer à fond sur le média qui lui a permis de recruter plusieurs profils
haut de gamme, Christophe Charavay a joué d’une petite ruse : il s’est inscrit
en tant que demandeur d’emploi. Et a constaté par lui-même l’intérêt de la
démarche.
Un intérêt pourtant vivement contesté par un grand nombre d’inscrits,
qui n’ont encore jamais rien vu venir d’intéressant. « Les réseaux ? Oui
j’ai été invité par un ami il y a quelques mois, mais franchement, jusqu’à
présent, ça ne m’a rien apporté ! » La moue dubitative de Pierre n’a rien
d’original. Selon les dirigeants de ces réseaux sociaux d’un nouveau type, plus
de la moitié des membres se contentent d’une inscription bâclée, suivie de
l’envoi d’un ou deux messages à de vieux copains retrouvés là au hasard de
quelques minutes de recherche. « Tiens, bonjour ! C’est bien drôle de te
retrouver là ! » Qui n’a pas encore reçu ce petit clin d’œil en provenance d’un
ami ou même d’un voisin de bureau inscrit lui aussi sur tel ou tel réseau ? Et
point final. Le membre passif type zappe immédiatement vers ses tâches «
sérieuses » et oublie jusqu’à l’existence même de cette petite trace laissée au
hasard de ses promenades sur le net. Pour éventuellement n’y revenir que le
jour où … il se trouve justement dans le besoin. Et sa déception n’en est alors
que plus cruelle : malgré sa présence sur les réseaux, il ne s’est fait aucune
relation, n’a jamais été contacté …
Erreur fatale !
Car les réseaux sur Internet fonctionnent de la même
façon que ceux de la vraie vie. « Il s’agit tout simplement d’appliquer à la
dimension virtuelle les fondamentaux de la vie normale », considère André
Dan, pionnier des réseaux en France et formateur en réseautage. En clair ?
Donner et recevoir. Les réseaux sont, comme dans la vie, un lieu d’échange,
voire de partage. Partage de contact, échange d’informations, et pas seulement
via les média virtuels : la plupart des réseaux organisent des soirées ici et
là, histoire de consolider les relations entre leurs membres. Car comme dit la
papesse du réseautage au Canada, Lise Cardinal, citée par son plus fervent
adepte en France André Dan : « le réseautage est d’abord une rencontre
physique, relayée ensuite sur le media virtuel ». Une nouvelle version de «
les amis de mes amis sont mes amis » !
Alors ceux qui jouent le jeu à fond ne le regrettent jamais.
« Réseau
zéro » : voilà comment Nathalie Rosenberg résume elle-même la situation
dans laquelle elle se trouvait lorsqu’elle a perdu son job en 2003, balayée par
la crise. Trois ans plus tard, cette chef de projet Internet tire son bilan : «
Le réseau sur Internet m’a redonné l’énergie et la motivation pour sortir de
mon isolement après de longs mois de chômage ». Un simple site Internet qui
vole au secours des chômeurs ? Pas si simple : pour construire ex nihilo son
réseau, Nathalie a beaucoup donné. C’est elle en effet qui a créé le groupe «
Offres et demandes d’emplois francophones » sur le réseau européen OpenBC. Des
heures et des nuits de travail dans les premiers mois. En total bénévolat bien
sûr. « En début 2005, après une quinzaine de jours d’observation, je me suis
abonnée sur OpenBC, et j’ai fait une proposition pour créer ce forum », se
souvient-elle. Le patron d’OpenBC, Yann Mauchamp soutient l’initiative de
Nathalie, lui fournit quelques contacts pour démarrer son forum et l’affaire
est rondement menée. Avec patience et détermination, Nathalie rameute de
nouveaux interlocuteurs pour étoffer le groupe et anime chaque jour la
communauté. « Aujourd’hui nous sommes 464 membres sur ce groupe, contre 200
en décembre dernier », ractonte-t-elle. Et son intérêt personnel ? « « Actuellement,
mon profil est consulté en moyenne 70 fois par jour », sourit-elle. « J’ai
retrouvé un job chez un ancien employeur. Mais le réseau m’a permis de me
constituer de vraies relations, de rencontrer énormément de monde, … un acquis
qu’il faut entretenir absolument pour le cas où … » Alors, malgré son job
actuel qui lui laisse beaucoup moins de temps libre, elle continue à animer le
forum emploi français ! Et c’est bien cette capacité d’échange et de don de soi
qui fait la réussite de la démarche. A un bémol près : les dirigeants des
réseaux sur Internet sont unanimes, les membres demandent de plus en plus de
services leur permettant de cacher leurs informations, leurs contacts, … Ces
options payantes arrivent et risquent fort, malheureusement, de dénaturer
l’essence même du réseau.
Corinne Zerbib
Dossier paru dans Courrier Cadres - n°1627 - 4 mai 2006
Réseau, mode d'emploi
Les amis de mes amis ... : voilà le principe fondateur du réseautage, tant la vie que sur le net. Chaque site a créé sa propre méthode – que certains appellent philosophie. Mais les fondements restent les mêmes. Le nouveau membre s’inscrit soit directement, soit sur l’invitation d’un ami, collègue ... Il peut ensuite inviter ses propres relations à le rejoindre, et accéder aux contacts de ses contacts, ce qu’on appelle le niveau 2. Pour ce faire, selon les plateformes, il pourra soit adresser directement sa demande à la personne, soit devra passer par chaque maillon de la chaîne. D’où l’importance justement de jouer le rôle de maillon.
10 règles pour bien réseauter :
- Choisir le
réseau qui correspond à son propre profil et à ceux dont on recherche le contact
- S’inscrire au
maximum à deux réseaux, en version payante
- Prendre le
temps de rédiger son profil avec minutie
- Contacter et
inviter les gens que l’on connaît déjà
- Entretenir le
réseau en l’élargissant progressivement et à bon escient
- Eviter le
spam ou le harcèlement
- Ne pas
hésiter à rendre service – surtout lorsqu’on est en difficulté !
- Répondre
systématiquement et rapidement aux invitations
- Participer
activement aux groupes – hubs – forums
- Aller à la rencontre physique des membres du réseau, en particulier dans les soirées organisées à cet effet.
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Nombre de membres |
Spécificités |
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5 à 6 millions dans le monde. |
Culture et rencontres internationales, US pour la très grande majorité. La plupart des échanges se font en anglais |
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1 million en
Europe. |
Multilinguisme, surface européenne |
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350 000 |
Français |
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9 000 |
Français |
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5 000 |
Français, les membres peuvent discuter
en direct via le chat |
Merci pour cet article bien complet. Je pense personnellement que les réseaux sont très efficaces. Beaucoup restent encore réticents à ce mode de fonctionnement certainement à tord. L'intérêt vient dans la multiplication des contacts et la possibilité de rencontrer des personnes différentes. Blogs et réseaux sont 2 outils efficaces du networking.
Rédigé par : Vanina | 12 juin 2006 à 20:35